Comment leur dirais-je bien cela…

Autant que la plupart des discussions avec nos petits nous viennent si facilement, certains sujets peuvent sembler plus difficiles à aborder, comme la sexualité, la mort, ou encore la situation qui se déroule présentement, soit une pandémie mondiale.

Depuis le début de cet épisode irréel que nous vivons, j’entends plusieurs versions d’explications fournies aux enfants afin de leur expliquer pourquoi ils ne vont plus à la garderie, à l’école ni voir leurs amis ou leurs proches. Le fait d’être isolé à la maison pour une durée indéterminée mérite une explication! Je sais que les parents cherchent à protéger leurs enfants et ne veulent pas leur faire peur, alors des explications maladroites telles que “C’est un gros gros microbe méchant qui se promène dans les airs et qui peut nous faire de gros bobos!”, “Il y a des bibittes sur les gens et on ne peut pas les toucher, il faut se cacher dans nos maisons” ou encore “Tout est sale dehors et on peut briser nos poumons si on sort” ne sont que le fruit d’une bienveillance parentale. Ce n’est toutefois pas la meilleure façon de s’y prendre…

Je ne juge absolument pas les parents qui ont voulu fournir une explication à leur enfant qu’ils pensaient adaptée à leur âge. Par contre, même si on peut penser que ce genre de façon de présenter les choses simplifie leur compréhension et fait aussi moins peur que la réalité, on se trompe!

Qu’est-ce qu’il peut comprendre?

Laissez-moi vous expliquer comment est-ce qu’un enfant comprend, selon son âge et son niveau de développement cognitif. Entre 2 et 6 ans, l’enfant n’est pas capable d’une pensée logique; ainsi, il ne fera pas la nuance dans des explications imagées telles que les “bibittes de qui il faut se cacher” ou des “microbes géants”. Leur capacité de distinguer le réel de l’imaginaire est en plein développement et la ligne est mince entre ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. Alors, un parent qui leur offre ce genre d’explication les amèneront à comprendre que la réalité c’est effectivement qu’il faut se cacher de bibittes qui nous veulent du mal, et je ne sais pas pour vous, mais moi ça me fait presque plus peur que la notion d’un virus! De 6 à 12 ans, les enfants sont capables de comprendre beaucoup de choses, tant que c’est présenté de façon concrète. Évidemment des explications comme celles qui ont été citées en exemple ne leur plairaient pas puisqu’ils seraient en mesure de comprendre qu’elle n’est pas tout à fait juste. Par contre le fait de ne pas leur fournir de réponse satisfaisante risque de les encourager à la chercher ailleurs et ils risquent de peut-être tomber sur des sources peu fiables ou de discuter avec d’autres enfants du même âge et se générer des explications entre eux, qui peuvent eux aussi mener à plus d’angoisses.

Comment l’aider à comprendre?

La meilleure façon de leur fournir des explications claires sont de leur dire la vérité. Inutile de vouloir adoucir les mots ou de vouloir traduire une situation par des éléments fictifs: simplement leur présenter les choses telles qu’elles le sont. Leur compréhension évolue avec l’âge, mais notre discours change peu. L’important est de se laisser guider par la discussion qui se manifestera avec l’enfant et de leur laisser demander les précisions qu’ils jugeront nécessaires.

Il ne faut pas oublier qu’entre 2 et 6 ans, les enfants ne sont pas capables d’une pensée logique. Il ne faut pas hésiter à dire la vérité. Ils comprendront l’essentiel et questionneront au besoin. Laissez-moi vous présenter la discussion que j’ai eue avec mon fils de deux ans et demi lorsque le sujet de la pandémie s’est manifesté.

Cette réponse a été satisfaisante pour lui. Il n’a pas renchéri et il est passé à autre chose. On peut avoir l’impression qu’il n’a en fait rien saisi, mais quelques jours plus tard, nous sommes allés faire une promenade dans notre quartier (il faut bien en profiter tant que les marches sont encore permises!), et voici ce qui s’est dit au sujet de la pandémie lorsqu’il a voulu aller jouer dans le module au parc.

L’explication que je lui avais fournie il y a quelques jours avait eu un sens pour lui. Il se souvenait que la pandémie, c’était un concept qui faisait référence à la maladie. Je lui ai expliqué les choses avec les bons mots, telles quelles le sont. Il n’a pas eu peur ni vécu de frustrations de ne pas comprendre. En tant qu’adultes, cette situation nous fait peur, car on envisage toutes les conséquences possibles. L’enfant lui ne percevra pas tous les impacts possibles et s’il ne pose pas de questions à ce sujet, c’est inutile d’entrer dans ces détails.

Il est certain qu’un enfant un peu plus vieux, âgé de 7 à 12 ans, posera plus de questions et voudra en savoir davantage. La première chose à faire est de lui fournir une explication claire et la plus concrète possible. J’ai vu passer plusieurs illustrations explicatives de la situation que vous pouvez regarder avec l’enfant. Ma préférée est celle d’Elise Gravel:

Bande dessinée à imprimer provenant du site d’Elise Gravel

L’enfant d’âge scolaire peut poser des questions sur les conséquences de cette situation, surtout s’il perçoit les inquiétudes des parents. L’important, c’est de le rassurer et de miser sur ce qu’on sait de la situation. Par exemple, on peut lui dire qu’en effet, c’est une situation assez grave, mais que toutes les précautions sont prises. Que le gouvernement travaille fort et nous donne des règles à suivre pour éviter que nous tombions malades et que comme notre famille suivons les recommandations à la lettre, tout devrait rentrer dans l’ordre.

Les enfants sont sensibles et risquent de ressentir l’angoisse des parents. Si cette situation vous génère énormément de stress et que vous avez de la difficulté à fonctionner normalement, n’hésitez pas à aller chercher les ressources nécessaires. Parlez à un proche, cherchez les informations les plus valides et tenez-vous loin des réseaux sociaux où le partage d’articles à sensationnalisme est à son comble. Au besoin, faites appel à un professionnel de la santé, comme un psychologue (la plupart font des rencontres par vidéo-conférence!).

Le mot de la fin

Je vous rappelle que la meilleure façon d’aborder le sujet avec vos enfants et de leur dire la vérité. Essayez-le! C’est si simple et beaucoup moins épeurant que de leur fournir des explications comme “un gros microbe méchant les attend dans les endroits publics”! Surtout, prenez soin de vous et rappellez-vous que ça va bien aller!

Rédigé par Laurence Morency-Guay. Mars 2020.

Pourquoi ne dorment-ils pas?

Je pense que la question “Est-ce que bébé fait ses nuits?” se pose aussi souvent, car le sommeil des tout-petits est pour certains un réel casse-tête. On ressent immédiatement de l’empathie face aux autres parents qui partagent notre réalité de nuits trop courtes tout comme on a l’impression d’accomplir l’impossible quand notre progéniture dort enfin sans interruption. Pour certains bébés, le sommeil se gagne en douceur, sans intervention précise. Pour d’autres, une multitude de facteurs viennent interférer avec ces heures de repos, rendant les routines des siestes et des nuits plus ardues pour les parents!

Ma mini bébé fille, capturée par la talentueuse Alexandra Quinn

Combien d’heures ça dort, un bébé?

Un nouveau-né peut dormir en moyenne 22 heures sur 24, et un bébé âgé entre 1 et 3 mois peut dormir entre 14 à 17 heures dans une journée. De 4 à 11 mois, on peut s’attendre à ce que bébé dorme 12 à 15 heures sur 24, et dès 1 an, le bébé va généralement dormir de 11 à 14 heures en tout dans une journée. Ces données, qui se retrouvent sur le site de Naitre et Grandir, sont des moyennes pour aider à se situer dans les besoins du bébé, mais il ne faut pas oublier que chaque enfant est unique et que c’est possible que votre petit en ait besoin d’un peu plus ou d’un peu moins que ce qui est indiqué.

Pour mieux comprendre le sommeil des enfants, jetez un coup à ma formation vidéo dédiée au sujet des dodos!

Est-ce que mon bébé dort suffisamment?

Des questions qui me sont fréquemment posées portent sur la durée des nuits et des siestes, à savoir si c’est suffisant pour le bébé. Bien que nous ayons une idée du nombre d’heures moyen que les bébés risquent d’avoir besoin en terme de sommeil dans une journée, il est possible que votre petit dorme moins que ça et que ce soit suffisant. Certains bébés dormiront plus longtemps la nuit et feront de plus petites siestes, et d’autres auront tendance à se lever tôt le matin (à notre plus grande déception!), mais feront de plus longues siestes. En fait, il suffit d’être attentif aux comportements du bébé. Si votre mini fait de très courtes siestes, par exemple, mais qu’il est enjoué, éveillé et ne démontre pas de signes de fatigue (comme bailler, se frotter les yeux, laisser tomber sa tête sur votre épaule, s’endormir immédiatement en poussette ou en voiture, etc.), c’est peut-être suffisant pour lui. Toutefois, s’il se réveille après une trentaine de minutes, mais qu’il pleure facilement, n’est pas intéressé à explorer et semble maussade, c’est probablement parce qu’il n’a pas dormi assez longtemps. À noter qu’avant 6 mois, c’est plus difficile de percevoir des signaux de fatigue clairs et qu’elle se traduira davantage par une augmentation des pleurs. Chose certaine, la première question qu’un parent doit se poser en regard au sommeil de son petit est s’il dort suffisamment selon ses besoins.

À noter que ce sont des repères et que vous pouvez observer des différences pour votre bébé.

Est-ce que j’offre des conditions optimales pour le sommeil de mon bébé?

Bercer jusqu’au sommeil, allaitement aux réveils, co-dodo, laisser ou ne pas laisser bébé pleurer… Nous avons tous nos petites habitudes et des routines variées pour endormir nos petits et plusieurs parents se demandent souvent si leur façon de faire est adéquate. C’est assez difficile de fournir une réponse universelle à cette question puisqu’une multitude de facteurs influencent nos choix en tant que parent et il n’y a pas qu’une méthode qui soit bonne. Je pense qu’après s’être penché sur le besoin de sommeil de nos bébés, il faut veiller à bien détecter leurs besoins sous-jacents. Oui, ils ont besoin de dormir, mais certains auront aussi un besoin de stabilité à combler ou encore un fort besoin de réconfort. Si ce que vous avez mis en place fonctionne pour vous et bébé, que ce soit le co-dodo sécuritaire, l’endormir dans vos bras ou encore refuser de le laisser pleurer, pourquoi changer? Je sais que nous avons hâte de retrouver nos nuits sans interruptions, l’intimité dans notre lit ou simplement un sommeil suffisant, mais quand on cherche à ce que bébé n’ait plus du tout besoin de nous, est-ce qu’on pense à l’enfant ou à nos propres besoins à nous? Important d’y réfléchir. Lorsque vous êtes là pour rassurer bébé durant la nuit ou pendant ses siestes, vous répondez non seulement à son besoin de sommeil puisque vous l’aidez à mieux dormir, mais vous répondez à ses besoins de réconfort et c’est primordial de le faire afin que le bébé développe un lien d’attachement sécurisant.

Il y a toutefois un bémol. Il importe de pouvoir identifier si on répond effectivement à un réel besoin, ou si nous ne faisons que renforcer certains comportements qui nuiront au sommeil de bébé à plus ou moins long terme. Je m’explique. Si votre mini commence à se réveiller la nuit et que la seule façon de l’apaiser est de le prendre, le bercer et de lui donner de l’attention (ce qui l’empêche de retrouver seul son sommeil), on renforce ici son comportement d’interrompre sa nuit afin de pouvoir interagir avec vous. Vous observez donc qu’à plus long terme, son sommeil en est affecté, puisqu’il ne dort pas suffisamment étant occupé à se tenir éveillé afin de pouvoir profiter de moments avec vous. Je vous dirais toutefois qu’avant 6 mois, il est assez rare qu’on observe ce genre de comportements. Un bébé de 0-6 mois qui pleure exprime un besoin (il a faim, il a chaud/froid, il a besoin de réconfort, etc.), et non seulement un intérêt d’explorer et d’interagir.

Comment intervenir si mon bébé a besoin d’un coup de pouce pour trouver le sommeil?

Si votre bébé n’a pas un besoin de réconfort et que vos bras ne sont qu’un prétexte pour étirer les moments de jeux et de contacts, il faut aider votre petit à trouver son sommeil. Il y a plusieurs méthodes béhavioristes qui visent à enseigner aux bébés à s’endormir seul, comme la populaire technique du 5-10-15. Cette technique est en fait une façon de réduire la réponse envers un comportement (ici, réduire l’attention portée à l’enfant quand il pleure, afin de diminuer son comportement de pleurer aux réveils). Mon avis sur cette technique est que c’est presque assuré que ça va fonctionner si appliquée de la bonne façon puisque l’humain apprend par conditionnement. Je pense par contre que certains enfants y seront super réceptifs, mais que ceux qui ont un réel besoin de réconfort ne seront pas gagnants sur les plans de l’attachement puisque le parent évite ainsi de fournir une réponse adaptée à ce qu’exprime l’enfant. Je suis d’avis que la meilleure façon d’enseigner un nouveau comportement à un enfant sans ignorer ses besoins est d’y aller graduellement. On peut l’aider à retrouver son sommeil tout en répondant à un besoin de réconfort. Les premiers jours, on peut le bercer si ça l’aide à s’endormir. Puis, on va tenter de le laisser s’endormir dans son lit, mais en lui offrant notre réconfort en posant notre main sur son ventre, par exemple. Après quelques jours, on se tient près de son lit sans le toucher, mais en lui chantant une berceuse. Ensuite, on reste près sans chanter, jusqu’à être présent que dans l’embrasure de la porte et éventuellement sans avoir besoin d’être présent du tout. On fait une sorte de désensibilisation en douceur.

Si bébé manifeste un changement spontané dans ses habitudes de sommeil en se levant dans son lit ou en sortant carrément de sa chambre s’il est plus vieux, et qu’il ne semble pas avoir besoin de réconfort mais qu’il cherche plus de l’attention de façon négative, on ne veut pas renforcer ce comportement et on veut surtout le diminuer. Il faut donc user d’interventions classiques de punition négative: soit retirer toute forme d’attention et l’ignorer. Simplement le remettre dans son lit et ne pas intervenir plus que ça. Il se peut que vous ayez à le mettre dans son lit 10, 15, 40 fois, mais il faut être consistant et cohérent et persévérer. Je vous assure que ça finira par porter fruit et ici, l’enfant ne sera pas “perturbé”, puisque nous sommes allés dans l’intérêt de son sommeil et du maintien de bons comportements (comme rester calme quand il faut dormir).

Évidemment, tout ça est du cas par cas! Les enfants sont tous uniques, les parents sont aussi des humains avec des caractères et des styles qui leurs sont propres et il y a une multitude de milieux dans lesquels parent et enfants évoluent, ainsi il y a toujours plusieurs facteurs à prendre en compte. Si vous avez besoin de conseils plus spécifiques, n’hésitez pas à me contacter.


Le mot de la fin…

J’aimerais avoir la solution miracle pour vous, mais malheureusement il n’y en pas. Soit vous allez devoir travailler fort pour aider votre petit, soit vous allez endurer encore de longues nuits à répondre aux besoins de votre bébé avant de répondre à vos propres besoins de sommeil. Dans tous les cas, ce sera difficile, mais il faut se rappeler que tout est temporaire et que lorsqu’ils seront des ados, on pourra toujours se venger et les réveiller aux petites heures du matin…juste pour le plaisir!

Rédigé par Laurence Morency-Guay. Mars 2020.

Pour en apprendre davantage sur les concepts présentés ici…

ADAM, G. C., STOOPS, M. A., SKOMRO, R.P. (2014). A longitudinal study of child sleep in high and low risk families: Relationship to early maternal settling strategies and child psychological functioning. Sleep Medicine Reviews, 18(6), 495-507.

SHERIDAN, A., MURRAY, L., COOPER, P.J., EVANGELI, M., BYRAM, V., HALLIGAN, S.L. (2013) A longitudinal study of child sleep in high and low risk families: Relationship to early maternal settling strategies and child psychological functioning. Sleep Medicine, 14(4), 266-273.

SADEH, A., TIKOTZKY, L., SCHER, A. (2010). Parenting and infant sleep. Sleep Medicine Reviews, 14(2), 89-96.

Tricoter nos liens affectifs

En psychologie du développement, la base de tout lien affectif débute par l’attachement parent-enfant. Ce lien se tricote dès la naissance du bébé et la façon dont les parents vont solidifier les fils auront un impact sur les relations que le bébé construira tout au long de son développement. L’attachement est un concept qui me passionne particulièrement, puisqu’on peut comprendre tellement de choses lorsqu’on décode de quelles façons ce lien s’est tricoté chez une personne.

Plusieurs chercheurs se sont penchés sur le lien parent-enfant et la première définition que nous avons de l’attachement nous vient du psychiatre John Bowlby. Pour lui, l’attachement est le lien affectif durable que développe le bébé dès la naissance et qui se traduit par une recherche de sécurité surtout dans ses moments de détresse.

D’abord, c’est important de soulever que ce lien d’affectif durable est spécifique à l’enfant et à sa figure d’attachement. On parle souvent de “s’attacher à quelqu’un” dans le langage courant, toutefois l’attachement en tant que concept de psychologie du développement traduit uniquement le lien parent-enfant (ou le lien entre l’enfant et la personne qui s’occupe de lui principalement), qui est un lien durable dans le temps.

Le fait que la recherche de sécurité se produise spécifiquement lorsque l’enfant ressent une détresse est un autre aspect très important de la définition du lien d’attachement. Cela traduit qu’au quotidien, le type de lien d’attachement que développe l’enfant ne sera pas nécessairement évident. On va surtout l’observer dans ses réactions auprès de sa figure d’attachement lorsqu’il a un besoin et qu’il ressent une anxiété, comme lorsque son parent le quitte ou lorsqu’il est malade, pour ne nommer que ces exemples.

Au gré des recherches qui ont été faites traitant de l’attachement, on s’est penché sur le fait que les enfants ne réagissaient pas tous de la même façon vis-à-vis leurs figures d’attachement lors de ces périodes de détresse. La psychologue du développement Mary Ainsworth a donc observé les différentes réactions possibles afin de définir différents styles d’attachement chez l’enfant.

Rédigé par Laurence Morency-Guay, adapté des travaux de Mary Ainsworth

En tant que parent, quelle influence ai-je sur le lien d’attachement?

Le parent est la principale figure d’attachement chez l’enfant puisque c’est lui qui est appelé à répondre à ses besoins et ce dès la naissance. Les travaux au sujet de l’attachement ont longtemps parlé du lien mère-enfant, mais je pense que dans la société actuelle le père a autant de place auprès de l’enfant et le lien d’attachement se crée autant auprès du père que de la mère.

L’attachement se crée lors des deux premières années de vie. Au-delà de cette période critique, l’enfant a développé son style d’attachement et il y a peu de place au changement. Toutefois, on peut outiller l’enfant et éventuellement l’adulte à comprendre son attachement et à développer des comportements pour s’adapter dans ses diverses relations affectives, principalement pour les styles d’attachement insécurisant qui peuvent amener plus de problèmes relationnels.

Le rôle du parent est donc crucial dans les premiers mois de l’enfant afin que ce dernier puisse intérioriser une confiance en lui-même (en ses capacités à exprimer ses besoins et à obtenir une réponse satisfaisante) ainsi qu’une confiance aux autres. Cette confiance se construira au gré des réponses des parents vis-à-vis les besoins de l’enfant. Le parent doit savoir détecter le besoin de l’enfant afin d’y répondre de manière adéquate: au bon moment et avec chaleur et affection. Par exemple, si un bébé pleure, que le parent pense qu’il a besoin de dormir alors le couche dans son lit et que bébé continue de pleurer, peut-être que le parent n’a pas su décoder adéquatement le besoin. Le fait de le laisser pleurer pour qu’il s’endorme traduira ainsi une réponse inadéquate puisqu’elle ne répond pas au besoin précis du bébé. Si, par exemple, bébé a froid et que le parent détecte ce besoin après de longues minutes de pleurs, même si le bébé a finalement été enveloppé dans une couverture chaude, la réponse n’est pas adaptée puisqu’elle n’a pas été effectuée au bon moment. Autre exemple: bébé a besoin d’attention et montre de l’intérêt pour un petit jouet. Le parent donne immédiatement le jouet au bébé, donc la réponse est fournie au bon moment, mais pendant que le bébé explore le jouet, le parent regarde son téléphone et n’interagit pas avec son bébé. Ce dernier avait aussi besoin d’attention et de soutien dans son activité d’exploration, alors la réponse fournie par le parent n’est pas faite avec chaleur et affection.

Attention ! Le but ici n’est pas de vous culpabiliser. Nous avons tous, à un moment ou l’autre, mal perçu le besoin de notre bébé. Nous avons aussi mis du temps à répondre parfois et nous avons aussi été distraits pendant certains soins. Il faut faire la part des choses entre des comportements qui surviennent à l’occasion et d’autres qui se reproduisent constamment. Il n’y a pas de parent parfait, nous faisons notre possible et l’erreur est humaine. Votre bébé ne sera pas perturbé de quelques faux pas. C’est quand les réponses sont inadaptées à long terme et durant les 2 premières années, que les impacts sur le lien d’attachement seront inévitables.

Attachement insécurisant = parent négligent ?

On peut avoir tendance à croire qu’un enfant qui développe un lien d’attachement insécurisant provient inévitablement d’un milieu où il y avait maltraitance. Bien que ce soit vrai pour le style d’attachement désorganisé, les styles évitant et ambivalent sont plus souvent causés par des parents qui ont soit une approche parentale inadaptée (trop stricte, froideur dans les relations affectives), des problèmes de santé mentale (un parent ayant un trouble de l’humeur qui n’arrive pas à répondre aux besoins de son bébé de façon adaptée lors de ses épisodes dépressifs) ou encore un parent qui surprotège son enfant (un papa poule qui a tellement peur de ne pas répondre au besoin de son enfant et qui répond avec anxiété et donc de façon inadaptée).

Ne pas oublier que dans la plupart des foyers, il y a deux parents. Le travail d’équipe est essentiel. Pour ma part, je suis une maman souvent anxieuse et performante et je sais que cela peut affecter mes interventions auprès de mes enfants. Afin de fournir une réponse adaptée à leurs besoins, j’identifie ce qui me cause le plus d’anxiété ou de stress et c’est mon conjoint qui s’en occupera. De cette façon, nos enfants ont (presque) toujours une réponse adaptée à leurs besoins!

Le tempérament de l’enfant peut aussi avoir un impact sur le lien d’attachement qu’il va développer. Un enfant ayant un tempérament plus difficile et qui est imprévisible dans sa routine, qui a des réactions intenses pas toujours faciles à décoder peuvent amener un parent à ne pas répondre à ses besoins malgré lui!

L’attachement est la base de toutes nos relations affectives. Si un enfant développe un attachement sécurisant, il intègre la croyance qu’il peut compter sur les autres lorsqu’il vit une situation difficile, puisque toute sa vie on lui a offert du réconfort lorsqu’il en avait besoin (réponses adaptées aux besoins exprimés). À long terme, ce sera beaucoup plus facile dans les relations affectives pour une personne ayant un style d’attachement sécurisant de faire confiance à son/sa partenaire et d’avoir confiance en elle-même aussi. Une personne avec un style d’attachement évitant aura plus de difficultés à faire confiance à son/sa partenaire et de pouvoir compter sur lui/elle lors d’une période de détresse. Pas par manque d’amour ou de volonté, mais simplement parce que toute sa vie cette personne a toujours eu le réflexe de se débrouiller seul afin de se sécuriser. Une personne avec un style d’attachement ambivalent peut avoir constamment peur que son/sa partenaire la quitte, étant donné qu’elle n’a jamais été capable de vraiment compter sur une présence cohérente et sécurisante. Toutefois, une personne ayant un style d’attachement insécurisant peut développer une relation affective saine avec un/une partenaire si elle prend conscience de son attachement et développe des outils pour s’adapter. Un travail en psychothérapie peut grandement aider!

Le mot de la fin…

Un parent, ça a beaucoup de responsabilités. Aider son enfant à développer un lien d’attachement en fait partie, mais n’hésitez pas à aller chercher de l’aide si vous avez besoin de conseils sur comment bien répondre aux besoins de votre bébé!


Rédigé par Laurence Morency-Guay. Mars 2020.Mention spéciale à Natalie Chaloux; ma professeure, ma collègue, ma mentor et amie, celle qui m’a tout appris et qui m’a transmis cette passion pour la psychologie, pour le développement humain, et pour le concept de l’attachement, qu’elle enseigne si bien.

Pour en apprendre davantage sur les concepts présentés ici…

Bowlby, J. (1969). Attachment and loss (vol. 1). Londres, Royaume Uni: Hogarth Press et Institute of Psycho-Analysis.

AINSWORTH, M.D.S., BLEHAR, M.C., WATERS, E. et WALL, S.N. (1978). Patterns of Attachment: A psychological Study of the Strange Situation. Hillsdale, NJ : Erlbaum.

AINSWORTH, M.D.S (1989). Attachments beyond infancy. American Psychologist, 44, 709-716.

LAIBLE, D.J. et THOMPSON, R.A. (1998). Attachment and emotional understanding in preschool children. Developmental Psychology, 34(5), 1038-1045.

GOLDBERG, S. (2000). Attachment and Development. Londres, Royaume-Uni: Arnold.

SIMPSON, J.A., COLLINS, W.A., TRANS, S. et HYDON, K.C. (2007). Attachment and the experience and expression of emotions in romantic relationships: A developmental perspective. Journal of Personality and Social Psychology, 92(2), 355-367.

Des activités pour chaque stade de développement cognitif

Quand j’ai découvert la théorie de Jean Piaget dans mon tout premier cours de psychologie du développement, au Cégep, j’ai eu un coup de foudre. Amour total pour la psychologie qui me fascinait déjà, gros béguin pour le développement humain qui me passionnait de plus à plus à chaque nouvel apprentissage et complète admiration pour cette théorie qui rendait sensé tous les comportements des tout-petits qui étaient, jusque-là pour moi, mignons mais insignifiants. 

Si je résume la théorie du développement cognitif de Jean Piaget, je la présente comme étant l’étude de l’évolution des capacités de raisonnement de l’humain. Dès la naissance, le bébé apprend à comprendre son environnement et cette compréhension évolue, selon les limites de ses capacités cérébrales. Piaget propose différents stades pour expliquer comment, à différents moments de l’enfance, les petits humains comprennent les choses et les raisonnent. 

En tant que parent ou professionnel côtoyant les enfants, le fait de comprendre leurs limites et leurs progrès à chacun de ces stades de développement nous aide à saisir leurs comportements; leurs frustrations, leurs entêtements, leurs fiertés… et surtout, nous aide à guider ce qu’on leur propose comme activité puisque bien sûr, un enfant, ça se développe principalement en jouant.

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Une question de tempérament…

Il y a une foule de raisons pouvant expliquer pourquoi chaque enfant; chaque humain, est si différent. Une multitude de facteurs exercent constamment une influence sur le développement de chacun, ainsi il est difficile de reproduire exactement deux spécimens humains, même en se développant dans un même milieu ! Pourquoi ? Parce que chaque humain vient au monde avec un « petit bagage » bien à lui.

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Quelle est la meilleure méthode ?

Quand tu entres officiellement dans le club des parents, tu constates rapidement qu’il y a des façons de faire et des méthodes pour tout et pour tous les goûts. Allaitement, portage, couches lavables, DME, discipline et j’en passe. Toutes ces méthodes proposent alors une marche à suivre et il y a ainsi place à une foule de comparaisons (et de jugements), à savoir quelle façon est « la meilleure ».

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