Une question de tempérament…

Il y a une foule de raisons pouvant expliquer pourquoi chaque enfant; chaque humain, est si différent. Une multitude de facteurs exercent constamment une influence sur le développement de chacun, ainsi il est difficile de reproduire exactement deux spécimens humains, même en se développant dans un même milieu ! Pourquoi ? Parce que chaque humain vient au monde avec un « petit bagage » bien à lui.

Chaque enfant nait avec un tempérament, qui est un peu comme leur numéro de série. On ne choisit pas un tempérament; on arrive tous avec ce « petit bagage » qui nous est propre et nous évoluons avec lui. Je dirais que le tempérament est la base de notre personnalité, qui elle change et se développe au fil du temps.

Le tempérament se définit donc comme étant les dispositions fondamentales d’une personne modulant son style d’approche aux autres et ses réactions à diverses situations données. Ainsi, nous venons au monde avec un tempérament qui nous amène à réagir tous différemment face aux autres et dans différentes situations. Au fil du temps, on peut développer des stratégies nous amenant à inhiber certaines réactions propres à notre tempérament et c’est pourquoi chez les adultes, ce dernier n’est pas facilement identifiable. On peut toutefois cerner le tempérament des enfants qui ont tendance à ne pas freiner leurs réactions et j’utiliserai le modèle de Thomas et Chess (1977), afin de vous permettre de bien comprendre cette notion.

Inspirés par les différences qu’ils observent entre leurs propres enfants, ces deux auteurs étudient, dans les années 1950, les réactions émotionnelles et comportementales de plus d’une centaine d’enfants entre leur naissance et leur adolescence. Les entretiens avec les parents sont complétés par des observations à domicile durant lesquelles les réactions émotionnelles de l’enfant sont dûment répertoriées et analysées. Leur célèbre étude longitudinale (New York Longitudinal Study) va ainsi permettre d’isoler neuf composantes du tempérament. 

1 – Le niveau d’activité motrice: Cette dimension renvoie par exemple à la proportion, durant la journée, de période active et de période inactive. Elle renvoie également au niveau de l’activité motrice lors de différentes activités quotidiennes, tels le bain, le repas, le jeu ou encore l’habillage de l’enfant.

2 – La rythmicité ou la régularité des fonctions biologiques: Il s’agit ici de la prévisibilité ou de l’imprévisibilité de différents besoins et rythmes physiologiques tels que manger, dormir, ou des besoins naturels.

3 – L’approche et le retrait: Ces éléments concernent la réaction première face à une nouvelle situation, que ce soit un nouvel aliment, un nouveau jouet ou une nouvelle personne. L’approche se manifestera par une expression d’humeur positive (un sourire ou une vocalisation) ou alors par un comportement moteur (par exemple essayer d’attraper le nouveau jouet). Le retrait se manifestera par des émotions négatives (des pleurs, des grimaces ou des cris) ou par des comportements moteurs de fuite (par exemple détourner sa tête face à une personne inconnue ou repousser le nouvel objet).

4 – L’adaptabilité: Il ne s’agit pas, dans ce cas, de la réaction première face à l’inconnu, mais de la capacité ou non de s’adapter aux changements. L’enfant parvient-il par exemple à modifier son comportement pour s’adapter à une nouvelle situation ?

5 – Le seuil de réactivité sensorielle: C’est le niveau d’intensité nécessaire à une stimulation externe pour produire une réaction importante de la part de l’enfant, que ce soit l’intensité d’un bruit pour entraîner des pleurs, le niveau de luminosité provoquant l’éblouissement ou encore le degré de texture d’un habit occasionnant l’inconfort de l’enfant.

6 – L’intensité des réactions: Il s’agit ici du niveau d’intensité, non pas de la stimulation externe, mais des réactions de l’enfant. Par exemple, si l’enfant n’aime pas la nourriture, tourne-t-il simplement la tête ou se met-il dans une crise de colère ? Si l’enfant désire être porté, va-t-il pleurnicher ou hurler ?

7 – La qualité de l’humeur: Ce critère renvoie à la proportion des réactions émotionnelles positives, telles que la joie ou les comportements amicaux qui se traduisent dans les sourires ou les vocalisations de l’enfant, par rapport aux réactions émotionnelles négatives comme pleurer ou être en colère. L’enfant est-il le plus souvent satisfait ou semble-t-il le plus souvent frustré ?

8 – La distractibilité: Il s’agit d’évaluer la facilité avec laquelle des stimulations extérieures détournent l’enfant de son activité en cours. Par exemple, le bébé qui boit son biberon s’arrête-t-il soudainement parce qu’il a perçu un bruit ? Ou inversement, l’enfant qui s’impatiente en attendant son biberon peut-il être facilement distrait par un jouet ou continue-t-il à pleurer quoi qu’on lui propose ?

9 – La durée d’attention ou la persévérance: La durée d’attention concerne le temps durant lequel un enfant porte son intérêt sur une activité particulière. Par exemple, l’enfant peut-il jouer un long moment avec le même objet ou se lasse-t-il rapidement ? La persévérance est la capacité à poursuivre une activité face à un obstacle qui interfère avec cette activité. Par exemple, combien de temps un enfant cherche-t-il à attraper un objet hors de portée avant de ne plus accorder d’intérêt à cet objet ?

QUARTIER, V. (2010) Le tempérament de l’enfant et ses réactions émotionnelles. Enfance et psy.

Avec tous ces critères, il va de soi que d’un enfant à l’autre, ses réactions et ses rapports aux autres vont varier, ce qui les rendent si uniques. Cela explique donc aussi pourquoi en tant que parent, on doit sans cesse s’adapter et qu’une méthode ne sera pas nécessairement applicable de la même façon auprès de tous les enfants.

Par exemple, mon fils a une adaptabilité plus lente, c’est-à-dire que ça lui prend un certain temps afin de s’ajuster lorsqu’il y a des changements. Il deviendra ainsi très insécure lorsqu’il y aura un changement dans sa routine, comme un changement imprévu d’éducatrice à son CPE. Il a également un seuil de réactivité sensorielle faible; il sera très dérangé si ses vêtements sont mal placés, par exemple. 

Avec le temps, on découvre le tempérament de notre enfant et on s’ajuste. L’enfant aussi va s’ajuster à son tempérament et développer certains outils pour l’aider, comme par exemple se donner des stratégies pour gérer les imprévus sans vivre trop de stress, mais il risque de demeurer une personne qui n’aime pas le changement à long terme. 

Nous ne pouvons donc pas tous comparer les enfants entre eux et s’attendre à ce que toute méthode fonctionne auprès d’eux de la même façon. En tant que parent, nous connaissons le mieux notre enfant et son tempérament et c’est important de collaborer avec tous les individus qui sont près de lui, afin de s’outiller ensemble à bien répondre à ses besoins en fonction de ses traits!

Rédigé par Laurence Morency-Guay. Février 2020.

Pour en apprendre davantage sur les concepts présentés ici…

ROTHBART, M.K., AHADI, S.A. et EVANS, D.E. (2000). Temperament and personality : Origins and outcomes. Journal of Personality and Social Psychology, 78, 122-135.

STRIGHT, A.D., GALLAGHER, K.C. et KELLEY, K. (2008). Infant temperament moderates relations between maternal parenting in early childhood and children’s adjustment in first grade. Child Development, 79, 186-200.

Published by Laurence M. G.

Professeure de psychologie, spécialisée en développement humain.

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