Tricoter nos liens affectifs

En psychologie du développement, la base de tout lien affectif débute par l’attachement parent-enfant. Ce lien se tricote dès la naissance du bébé et la façon dont les parents vont solidifier les fils auront un impact sur les relations que le bébé construira tout au long de son développement. L’attachement est un concept qui me passionne particulièrement, puisqu’on peut comprendre tellement de choses lorsqu’on décode de quelles façons ce lien s’est tricoté chez une personne.

Plusieurs chercheurs se sont penchés sur le lien parent-enfant et la première définition que nous avons de l’attachement nous vient du psychiatre John Bowlby. Pour lui, l’attachement est le lien affectif durable que développe le bébé dès la naissance et qui se traduit par une recherche de sécurité surtout dans ses moments de détresse.

D’abord, c’est important de soulever que ce lien d’affectif durable est spécifique à l’enfant et à sa figure d’attachement. On parle souvent de “s’attacher à quelqu’un” dans le langage courant, toutefois l’attachement en tant que concept de psychologie du développement traduit uniquement le lien parent-enfant (ou le lien entre l’enfant et la personne qui s’occupe de lui principalement), qui est un lien durable dans le temps.

Le fait que la recherche de sécurité se produise spécifiquement lorsque l’enfant ressent une détresse est un autre aspect très important de la définition du lien d’attachement. Cela traduit qu’au quotidien, le type de lien d’attachement que développe l’enfant ne sera pas nécessairement évident. On va surtout l’observer dans ses réactions auprès de sa figure d’attachement lorsqu’il a un besoin et qu’il ressent une anxiété, comme lorsque son parent le quitte ou lorsqu’il est malade, pour ne nommer que ces exemples.

Au gré des recherches qui ont été faites traitant de l’attachement, on s’est penché sur le fait que les enfants ne réagissaient pas tous de la même façon vis-à-vis leurs figures d’attachement lors de ces périodes de détresse. La psychologue du développement Mary Ainsworth a donc observé les différentes réactions possibles afin de définir différents styles d’attachement chez l’enfant.

Rédigé par Laurence Morency-Guay, adapté des travaux de Mary Ainsworth

En tant que parent, quelle influence ai-je sur le lien d’attachement?

Le parent est la principale figure d’attachement chez l’enfant puisque c’est lui qui est appelé à répondre à ses besoins et ce dès la naissance. Les travaux au sujet de l’attachement ont longtemps parlé du lien mère-enfant, mais je pense que dans la société actuelle le père a autant de place auprès de l’enfant et le lien d’attachement se crée autant auprès du père que de la mère.

L’attachement se crée lors des deux premières années de vie. Au-delà de cette période critique, l’enfant a développé son style d’attachement et il y a peu de place au changement. Toutefois, on peut outiller l’enfant et éventuellement l’adulte à comprendre son attachement et à développer des comportements pour s’adapter dans ses diverses relations affectives, principalement pour les styles d’attachement insécurisant qui peuvent amener plus de problèmes relationnels.

Le rôle du parent est donc crucial dans les premiers mois de l’enfant afin que ce dernier puisse intérioriser une confiance en lui-même (en ses capacités à exprimer ses besoins et à obtenir une réponse satisfaisante) ainsi qu’une confiance aux autres. Cette confiance se construira au gré des réponses des parents vis-à-vis les besoins de l’enfant. Le parent doit savoir détecter le besoin de l’enfant afin d’y répondre de manière adéquate: au bon moment et avec chaleur et affection. Par exemple, si un bébé pleure, que le parent pense qu’il a besoin de dormir alors le couche dans son lit et que bébé continue de pleurer, peut-être que le parent n’a pas su décoder adéquatement le besoin. Le fait de le laisser pleurer pour qu’il s’endorme traduira ainsi une réponse inadéquate puisqu’elle ne répond pas au besoin précis du bébé. Si, par exemple, bébé a froid et que le parent détecte ce besoin après de longues minutes de pleurs, même si le bébé a finalement été enveloppé dans une couverture chaude, la réponse n’est pas adaptée puisqu’elle n’a pas été effectuée au bon moment. Autre exemple: bébé a besoin d’attention et montre de l’intérêt pour un petit jouet. Le parent donne immédiatement le jouet au bébé, donc la réponse est fournie au bon moment, mais pendant que le bébé explore le jouet, le parent regarde son téléphone et n’interagit pas avec son bébé. Ce dernier avait aussi besoin d’attention et de soutien dans son activité d’exploration, alors la réponse fournie par le parent n’est pas faite avec chaleur et affection.

Attention ! Le but ici n’est pas de vous culpabiliser. Nous avons tous, à un moment ou l’autre, mal perçu le besoin de notre bébé. Nous avons aussi mis du temps à répondre parfois et nous avons aussi été distraits pendant certains soins. Il faut faire la part des choses entre des comportements qui surviennent à l’occasion et d’autres qui se reproduisent constamment. Il n’y a pas de parent parfait, nous faisons notre possible et l’erreur est humaine. Votre bébé ne sera pas perturbé de quelques faux pas. C’est quand les réponses sont inadaptées à long terme et durant les 2 premières années, que les impacts sur le lien d’attachement seront inévitables.

Attachement insécurisant = parent négligent ?

On peut avoir tendance à croire qu’un enfant qui développe un lien d’attachement insécurisant provient inévitablement d’un milieu où il y avait maltraitance. Bien que ce soit vrai pour le style d’attachement désorganisé, les styles évitant et ambivalent sont plus souvent causés par des parents qui ont soit une approche parentale inadaptée (trop stricte, froideur dans les relations affectives), des problèmes de santé mentale (un parent ayant un trouble de l’humeur qui n’arrive pas à répondre aux besoins de son bébé de façon adaptée lors de ses épisodes dépressifs) ou encore un parent qui surprotège son enfant (un papa poule qui a tellement peur de ne pas répondre au besoin de son enfant et qui répond avec anxiété et donc de façon inadaptée).

Ne pas oublier que dans la plupart des foyers, il y a deux parents. Le travail d’équipe est essentiel. Pour ma part, je suis une maman souvent anxieuse et performante et je sais que cela peut affecter mes interventions auprès de mes enfants. Afin de fournir une réponse adaptée à leurs besoins, j’identifie ce qui me cause le plus d’anxiété ou de stress et c’est mon conjoint qui s’en occupera. De cette façon, nos enfants ont (presque) toujours une réponse adaptée à leurs besoins!

Le tempérament de l’enfant peut aussi avoir un impact sur le lien d’attachement qu’il va développer. Un enfant ayant un tempérament plus difficile et qui est imprévisible dans sa routine, qui a des réactions intenses pas toujours faciles à décoder peuvent amener un parent à ne pas répondre à ses besoins malgré lui!

L’attachement est la base de toutes nos relations affectives. Si un enfant développe un attachement sécurisant, il intègre la croyance qu’il peut compter sur les autres lorsqu’il vit une situation difficile, puisque toute sa vie on lui a offert du réconfort lorsqu’il en avait besoin (réponses adaptées aux besoins exprimés). À long terme, ce sera beaucoup plus facile dans les relations affectives pour une personne ayant un style d’attachement sécurisant de faire confiance à son/sa partenaire et d’avoir confiance en elle-même aussi. Une personne avec un style d’attachement évitant aura plus de difficultés à faire confiance à son/sa partenaire et de pouvoir compter sur lui/elle lors d’une période de détresse. Pas par manque d’amour ou de volonté, mais simplement parce que toute sa vie cette personne a toujours eu le réflexe de se débrouiller seul afin de se sécuriser. Une personne avec un style d’attachement ambivalent peut avoir constamment peur que son/sa partenaire la quitte, étant donné qu’elle n’a jamais été capable de vraiment compter sur une présence cohérente et sécurisante. Toutefois, une personne ayant un style d’attachement insécurisant peut développer une relation affective saine avec un/une partenaire si elle prend conscience de son attachement et développe des outils pour s’adapter. Un travail en psychothérapie peut grandement aider!

Le mot de la fin…

Un parent, ça a beaucoup de responsabilités. Aider son enfant à développer un lien d’attachement en fait partie, mais n’hésitez pas à aller chercher de l’aide si vous avez besoin de conseils sur comment bien répondre aux besoins de votre bébé!


Rédigé par Laurence Morency-Guay. Mars 2020.Mention spéciale à Natalie Chaloux; ma professeure, ma collègue, ma mentor et amie, celle qui m’a tout appris et qui m’a transmis cette passion pour la psychologie, pour le développement humain, et pour le concept de l’attachement, qu’elle enseigne si bien.

Pour en apprendre davantage sur les concepts présentés ici…

Bowlby, J. (1969). Attachment and loss (vol. 1). Londres, Royaume Uni: Hogarth Press et Institute of Psycho-Analysis.

AINSWORTH, M.D.S., BLEHAR, M.C., WATERS, E. et WALL, S.N. (1978). Patterns of Attachment: A psychological Study of the Strange Situation. Hillsdale, NJ : Erlbaum.

AINSWORTH, M.D.S (1989). Attachments beyond infancy. American Psychologist, 44, 709-716.

LAIBLE, D.J. et THOMPSON, R.A. (1998). Attachment and emotional understanding in preschool children. Developmental Psychology, 34(5), 1038-1045.

GOLDBERG, S. (2000). Attachment and Development. Londres, Royaume-Uni: Arnold.

SIMPSON, J.A., COLLINS, W.A., TRANS, S. et HYDON, K.C. (2007). Attachment and the experience and expression of emotions in romantic relationships: A developmental perspective. Journal of Personality and Social Psychology, 92(2), 355-367.

Published by Laurence M. G.

Professeure de psychologie, spécialisée en développement humain.

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