
Il est très fréquent d’entendre les termes parentalité bienveillante ou parentalité positive lorsque vient le temps d’aborder les styles parentaux et les méthodes d’intervention à privilégier auprès des tout-petits. Personnellement, il m’a fallu bien me renseigner sur cette approche afin de mieux comprendre ce qu’elle impliquait puisque comme plusieurs, j’avais tendance à penser qu’on y valorisait l’écoute des enfants et de leurs émotions au détriment de l’encadrement qu’il est nécessaire d’instaurer auprès d’eux en bas âge. Finalement, je trouve que c’est simplement une autre façon d’appeler ce que j’ai moi-même appris lors de mes études comme étant une parentalité démocratique.
Inspiré des travaux de Baumrind (1967, 1971) et de Macoby et Martin (1983), voici trois des quatre principaux styles parentaux tels que présentés dans mon ouvrage, le Guide des repères du développement humain.
Tableau présenté au Chapitre 14, p.205:

Ne trouvez-vous pas que pour plusieurs, la compréhension de ce qu’est une parentalité bienveillante rime avec l’approche dite permissive, qui engendre des impacts plus négatifs chez les enfants comme un faible développement de l’autorégulation (capacités moindres d’inhibition de l’impulsivité), moins d’autonomie et une plus grande dépendance à l’adulte, immaturité et moins bonnes compétences sociales ? En fait, la parentalité bienveillante, lorsqu’on comprend bien qu’elle implique nécessairement un encadrement, est plutôt synonyme du style dit démocratique, où le soutien de l’enfant et la communication entre lui/elle et son parent sont mis de l’avant, mais où l’encadrement et l’établissement de limites est non négligeable. Un parent démocratique favorise le développement de l’autorégulation et de l’autonomie chez l’enfant, une estime de soi positive, une meilleure capacité de gestion du stress et de meilleures habiletés sociales.
À retenir qu’un parent démocratique en est un qui:
- Démontre de la chaleur dans ses interventions: on peut adopter un ton ferme, mais offrir un câlin à un enfant qui en a besoin.
- Écoute son enfant: on peut laisser l’enfant exprimer son émotion et entendre son avis tout en demeurant ferme sur notre consigne ou notre point de vue
- Fait preuve de constance: on peut insister sur le maintien d’une règle tout en acceptant que cela fera réagir l’enfant
- Se fait respecter: on peut tolérer une crise et un débordement d’émotions tout en ayant l’objectif de faire respecter la consigne qu’on impose
- Supporte l’autonomie de son enfant: on peut offrir du support à notre enfant lorsqu’on sait qu’une tâche est plus difficile sans pour autant tout faire à sa place et on peut aussi insister quand on sait que l’enfant, avec quelques encouragements et suffisamment de temps, pourra réaliser une tâche seul.e
- Valorise les capacités de son enfant: on peut impliquer l’enfant dans la résolution de problèmes en suggérant des pistes de solution
Quand parler de discipline?
J’ai l’impression qu’avec la popularité des termes comme “bienveillance” et “interventions douces”, parler de “discipline” a maintenant une connotation négative.
Selon la définition du Larousse, la discipline implique un ensemble de lois, d’obligations qui régissent une collectivité et destinées à y faire régner l’ordre ; règlement. On parle aussi de l’aptitude de quelqu’un à obéir à ces règles.
Considérant que les enfants ont absolument besoin d’un cadre établi par des règles afin non seulement de développer ses capacités de régulation et d’autonomie en plus d’être essentielles à la création d’un lien d’attachement sécurisant, je ne sais pas pourquoi le faire de parler de discipline déplait autant aux parents. Est-ce parce que c’est un défi d’établir leurs limites et de les faire respecter par leurs petit.es? Est-ce en raison de la manière que leurs propres parents ont fait preuve de discipline? Chose certaine, je pense qu’il serait bien de changer la perception qu’un adulte peut avoir au sujet de discipliner un enfant, qui n’implique en rien le besoin de le faire avec un manque de chaleur et d’ouverture aux besoins de ce dernier.
Établir un cadre dès 6 mois
Certains parents sursauteront probablement lorsque je dirai que la discipline commencera quand l’enfant sera plus éveillé à son environnement, aux objets et aux personnes qui l’entourent, soit autour de 6 mois. À partir du moment où le bébé veut explorer, il importe de définir des limites. C’est tout à fait attendu de refuser certains comportements du bébé, même s’ils sont complètement sans mauvaise intention et davantage de l’ordre de l’exploration: mordre un sein durant l’allaitement, tendre les mains vers une prise de courant, lancer la nourriture. À cet âge, il faut oui comprendre qu’il y a probablement un besoin derrière le geste et trouver une manière de soutenir l’exploration dans un cadre acceptable (mordre un jouet de dentition, observer au lieu de toucher, lancer des balles), mais il faut aussi imposer des limites.
Je rappelle que les limites sont essentielles pour les petit.es car outre le fait qu’elles sont contraignantes (et qu’elles feront réagir les enfants qui auront de plus en plus un fort besoin d’autonomie), elles sont aussi rassurantes et sécurisantes. Des parents qui savent établir un cadre clair tout en répondant aux besoins de leur enfant favorisent le développement d’un lien d’attachement sécurisant.
Saviez-vous que dès 6 mois, le bébé peut réagir à la consigne “non”? Il ne cesse pas nécessairement son comportement à cet âge, mais c’est la base d’un apprentissage à soutenir. Entre 7 et 12 mois, si le parent a été constant, les bébés réagiront adéquatement à la négation et cesseront leur comportement. N”hésitez pas à donner des consignes à vos bébés, les repères du développement de leur langage réceptif permettent de relever qu’ils sont en mesure de comprendre bien des choses. De 7 à 9 mois, ils comprennent certains mots dans un contexte qui leur sera familier et vers 9 mois, ils comprendront les consignes simples accompagnées d’une indication ou d’un geste visuel.
Trouver l’équilibre
Quel défi pour un parent de trouver le juste équilibre entre la bienveillance et la fermeté! En se rappelant que nos enfants ont besoin de vivre des frustrations, de se faire dire non, d’accepter les limites même lorsqu’elles sont contraignantes et d’apprendre à naviguer nos émotions dans nos rapports aux autres, je pense qu’il est nettement moins culpabilisant de générer des réactions vives chez les petit.es.
Évidemment, établir des limites implique souvent une plus grande gestion que de tendre vers une solution qui évite une crise: il faudra donc accepter en tant que parent que d’accompagner les enfants dans leur développement demeure exigeant et que c’est normal d’être confronté à toutes leurs réactions et émotions!
Il est plus facile de maintenir notre cadre lorsqu’on comprend les réactions des petit.es: c’est d’ailleurs l’objectif de mes livres sur le développement des enfants de 0 à 2 ans et 3 à 5 ans!

Pour en apprendre davantage sur les concepts présentés ici…
Baumrind, D. (1967). Child care practices anteceding three patterns of preschool behavior. Genetic Psychology Monographs, 75(1), 43-88.
Baumrind, D. (1971). Current patterns of parental authority. Developmental psychology monograph, 4, 1-103.
Baumrind, D. (1989). Rearing competent children. Dans W. Damon, (dir.), Child Development Today and Tomorrow (p. 349-878). Jossey-Bass.
Baumrind, D. (1996). The discipline controversy revisited. Family Relations, 45(4), 405-414.
Maccoby, E. E. et Martin, J. A. (1983). Socialization in the context of the family: Parent-child interaction. Dans P. H. Mussen et E. M. Hetherington (dir.), Handbook of child psychology (vol 4, p. 1-101). Wiley.
Rédigé par Laurence Morency-Guay. Février 2023.